procès de Gilly sur Isère: par Corinne Lepage..

Publié le par cap21.poitou-charentes.over-blog.com

 

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*** CORINNE LEPAGE :

 

30.11.2010

Ce que j’aurai dit lors du procès de Gilly sur Isère

Ce qui s’est passé hier à Albertville est un scandale judiciaire qui s’ajoute au scandale sanitaire et qui démontre, s’il en était besoin, la puissance des intérêts économiques liés à l’incinération et l’interpénétration entre les autorités étatiques et ses intérêts. 

 

Si je n’avais pas été empêchée de témoigner,  j’aurai expliqué ce qui s’est passé en 1995-1997 et comment l’appareil d’Etat s’était mis au service de l’incinération pour nier toute incidence sanitaire liée aux incinérateurs. J’aurai raconté comment,  lorsque j’ai posé la question des risques sanitaires en 1996, il m’a été répondu qu’il n’y avait aucun problème car l’Académie des sciences et l’Académie de médecin l’avaient affirmé. En conséquence, aucune analyse n’était nécessaire dans le lait. La désinformation, au plus haut niveau de l’Etat, était flagrante, car de nombreuses études étrangères soulignaient déjà le danger de la dioxine. Mais ce déni avait eu l’avantage de dispenser les exploitants d’incinérateurs de faire le moindre effort pour réduire les pollutions par la dioxine et les métaux lourds. 

J’étais passé outre, en chargeant le tout jeune CPP (comité de la prévention et de la précaution) d’un rapport sur la dangerosité des incinérateurs. Ce rapport sortira en avril 1997 et sera le premier document émanant de l’administration française reconnaissant les risques liés à la dioxine. Pour autant, les défenseurs de l’incinération n’auront eu de cesse que d’éviter une réelle publicité de cette communication, action rendue d’autant plus facile que l’actualité politicienne était dense…

Mais, convaincue du problème et  sans attendre ce rapport, j’avais pris en février 1997 une circulaire pour appliquer la norme communautaire aux nouveaux incinérateurs car je n’avais pas d’accord au niveau gouvernemental pour obtenir un décret qui seul aurait eu une valeur contraignante.

 

J’aurais expliqué la réticence du corps préfectoral à appliquer la circulaire prise en 1996 pour exiger la mise en conformité pour le 31 décembre 1996 des incinérateurs de plus de 6 tonnes comme l’exigeait le droit communautaire. Certes, on peut comprendre la crainte des préfets confrontés aux dysfonctionnements d’incinérateurs gérés par de « grands élus » … de tous bords. Il n’en demeure pas moins que l’impératif de santé publique n’a  été prioritaire ni pour l’Etat ni pour les collectivités locales…

J’aurai dit que ce procès était le symbole des graves dysfonctionnements de la société française. Les incinérateurs  ont incontestablement causé des dommages en terme de santé et l’Institut de Veille Sanitaire a du finir, après bien des circonvolutions, par le reconnaître. Les exploitants et une grande partie des décideurs ne pouvaient l’ignorer même s’ils le niaient, ne serait-ce qu’en refusant de mettre les incinérateurs aux normes. Aussi, il est tout à fait anormal qu’il n’y ait eu comme seul responsable que la personne morale de l’exploitant à l’exclusion de tout autre. C’est un déni de justice que la décision prise par le président n’a fait qu’accroître en disjoignant l’action civile de l’action publique. Il a de fait interdit aux victimes de s’exprimer et de faire citer des témoins qui pouvaient déplaire…

 

La boucle est bouclée… les incinérateurs n’ont pas d’incidence sur la santé puisqu’il n’est pas démontré que  les excès de cancers sont avec certitude dus à cet incinérateur. Donc, les décideurs locaux et nationaux n’ont  commis aucune faute en laissant Gilly fonctionner ; donc, seul un non respect administratif des règles peut être imputé à l’exploitant. Les victimes sont en fait extérieures au problème et n’ont aucune raison de se plaindre. Silence ! Même la vérité n’est pas bonne à dire.

 

(voir aussi l'article paru il y a deux jours sur le sujet.....)

 

Publié dans Ecologie-environnement

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